

La concorde danse
Au moment où la réunion dite « conclave » sur les retraites bat son vide du fait des départs d’organisations syndicales une petite explication m’apparaît comme indispensable.
La Caisse Nationale des Retraites des Collectivités Territoriales (CNRACL) est la caisse de retraite pour les agents de la Fonction Publique Territoriale et comme son nom ne l’indique pas pour les agents de la Fonction Publique Hospitalière. Notre caisse a fait l’actualité, étant médiatiquement et politiquement mis en avant pour ses résultats déficitaires.
Tant que nous serons à l’écume des choses il sera possible de faire croire que le paritarisme est un système dysfonctionnel, mais quiconque souhaite approfondir le sujet trouvera aisément sur les moteurs de recherches que depuis 1985 le sujet de cette dette est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. *1
"Prévue initialement pour prendre en compte les mutations économiques qui affectent l’affiliation des actifs entre les différents régimes, la compensation démographique a été organisée en construisant un régime unique fictif, retenant des hypothèses minimales » indique la cour des comptes dans un rapport en mai 2024.
Créée en 1945, la CNRACL pouvait se targuer d’avoir, dans ces meilleures années, 4.5 cotisants pour 1 retraité. En 1974, pour faire face au déséquilibre de certains régimes il est décidé de créer un mécanisme de compensation démographique. Cette solidarité entre régimes est complétée en 1985 par la création d’une surcompensation.
Comme inscrit dans la déclaration Force Ouvrière sur l'équilibre financier de notre caisse de retraite, au final, la CNRACL va contribuer à la hauteur de 100 milliards d’euros au titre de ces dispositifs y compris à des régimes de non-salariés. Cette ponction organisée et maintenue par les gouvernements successifs a imposé à la caisse une double peine. Dans un premier temps, l’impossibilité pour la CNRACL de constituer des réserves à la hauteur de ses besoins actuariels, comme le font d'autres caisses telles que l'IRCANTEC et l'AGIRC-ARRCO avec pour conséquence la mise en péril sur la durée de l’équilibre financier du régime et dans un second temps, l’obligation d’emprunter sur les marchés financiers avec le coût exorbitant que nous connaissons.
Avec un ratio de 1.46 cotisant pour 1 retraité les marges de manœuvres se sont considérablement restreintes. Associer cette donnée statistique aux ponctions énormes évoquées plus haut peut déjà permettre à ce stade de se faire une idée de la manœuvre perfide qui se profile.
L’accélération de la destruction de la CNRACL est donc en marche pour permettre la renaissance d’un discours libéral impatient de mettre la main sur la retraite des travailleurs et travailleuses de ce pays.
Aujourd’hui, pour faire face au déséquilibre financier organisé, le gouvernement a acté l’augmentation de 4% par an, jusqu'en 2027, des cotisations patronales pour les employeurs soumis au versement à la CNRACL. Pour rappel les obligations CNRACL s’appliquent aux agents titulaires et stagiaires effectuant une durée de service au moins égale :
A 28 heures hebdomadaires (durées cumulées pour les agents intercommunaux)
A 12 heures hebdomadaires pour les professeurs d’enseignement artistique
A 15 heures hebdomadaires pour les assistants d’enseignement artistique
Anticipé par la loi de transformation de la Fonction Publique de 2019 avec le recours accru aux non titulaires le système politique incite donc fortement à l’embauche de non titulaires (puisque cela coutera moins cher). Ainsi par cette manœuvre les cotisations CNRACL seront encore impactées négativement (puisque moindre) et il sera aisé pour les orateurs confortablement assis dans des sièges à 34000€*2 au 15 rue de Vaugirard à Paris ou pour ceux qui dansent le BlackRock de fustiger, dans une démonstration implacable d’ironie et de sournoiserie, les manquements et les solutions faciles qu’ils doivent nous imposer du fait de l’impossibilité de garantir un système de retraite par répartition.
Des solutions sont pourtant possibles. Il suffit de vouloir désigner d’autres sources de financement. Le travail seul ne peut pas être l’unique responsable de l’équilibre des retraites. Désignons donc la robotique, le digital, l’intelligence artificielle ou encore les produits importés à bas coûts comme possibles sources de compensation et d‘équilibre des retraites.
Tant de manigances, tant d’années de patience à poser, petit à petit, inlassablement, les éléments qui permettent aujourd’hui de remettre en cause un système qui demande, certes, à s’adapter aux réalités démographiques, aux évidences des conjonctures mais qui ne fait pas, par lui-même, la preuve de son incurie.
Les vautours financiers aiguisent leurs appétits après les couteaux tout en surfant sur l’inquiétude d’un monde qui s’entretient dans un chaos élaboré. Cette maltraitance qui inflige aux travailleuses et travailleurs des injustices de plus en plus grandes renforce nos convictions et notre détermination.
Tant que nous aurons cette certitude du bien fondé de nos actions, tant que nous pourrons sincèrement démontrer les manipulations d’un monde ou les fous et les gestionnaires du malheur s’échangent des milliards en monnaie, en armes, en guerre nous continuerons de tenir bon et d'autant plus face aux vents contraires.
Voilà pourquoi les engagés du quotidien que nous sommes allons démontrer les aberrations systémiques, démonter les rêveries libérales de nos dirigeants. Dans chaque réunion, chaque consultation, chaque invitation, même biaisées par un cadre restreint et faussement positif nous apporterons les éléments factuels et irréfutables. C’est pourquoi notre place est précieuse et indispensable.
Tant de collègues, tant de sympathisants, tant de camarades comptent sur nous. Nous sommes la concordance des tant.
Stéphane MOULINIER, Secrétaire général du GD33 Services publics, 29 mars 2025
*1 : Source Site Cour des Comptes www.ccomptes.fr
*2 : Le Sénat dépense 34.000 euros pour son nouveau fauteuil, Gérard Larcher reconnaît "une erreur" Source site rmc.bfmtv.com Guillaume Dussourt Le 13/01 à 11h18
Revue de presque


Pour changer un peu c’est la presse qui va faire l’essentiel du travail dans cet édito. Dans un écosystème qui vise la profusion triée, la répétition y compris de l’inutile et les navrants récits quotidiens insipides et stigmatisants il nous arrive de passer à côté de l’essentiel. L’information doit nous aider à comprendre, analyser, réfléchir mais les actualités passent à vitesse grand V, les éléments faciles, statistiques évasives et hors contexte, les prédictions, remplacent le réel.
Cet édito est argumenté par des articles et ces quelques « pépites » dysfonctionnelles si elles n’étaient pas dramatiques, pourraient égayer nos journées. Mais ces révélations montrent l’ampleur de l’incurie, l’envergure du cynisme, la richesse du mépris. Philippe Djian indiquait qu’il faut « Toujours mélanger le tragique et le grotesque, c’est ça qui est amusant en littérature. » Il a évidemment raison mais ce charme n'est appréciable que dans la littérature.
Commençons par les comptes et les fables avec un peu d’économie basique. L’équilibre budgétaire passe, pour les gouvernants actuels, par un drastique effort que chacun d’entre nous doit supporter au nom de la dette effrayante qui s’abat sur les comptes publics, héritée d’une force occulte digne d’un roman de JK Rowling. Pourtant deux économistes, Antoine Bozio et Etienne Wasmer, ont remis le 3 octobre 2024 à Elisabeth Borne, alors première ministre, un rapport. Le journaliste du Figaro, Jean-Pierre Robin indique dans son article du 15 décembre 2024 :
« Sur les 17,4 millions de salariés du secteur privé, 16,2 millions ont bénéficié en 2023, à des degrés divers, d’exonérations. C’est l’une des causes majeures du dérapage des finances publiques depuis 2019, quand le pays avait encore des comptes à peu près présentables, avant que tout ne se détraque avec le Covid. Les exonérations sur les cotisations sociales que les entreprises paient en plus du salaire brut («la part patronale ») explosent, plombant le financement de la protection sociale. Leur coût global est passé de 57,7 milliards d’euros en 2019 à 78,4 milliards en 2024 selon le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). »
A écouter les contes de fées nous pouvons constater que les comptes sont faits. Il m’apparaît scandaleux que ces choix soient exonérés de reproches flagrants. Ce magouillage financier qui vise à faire porter le chapeau aux travailleurs sur des volumes de dettes voulus et alimentés est insupportable. Le plus édifiant est que la justification ne sert pas le propos. En effet, le nombre de cotisants (les actifs) baisse par rapport au nombre de retraités. Pardon, mais c’est une donnée qui s’anticipe puisqu’elle est statistique. Gouverner c’est prévoir, et à ce titre, est-il entendable de divulguer une donnée chiffrée comme si elle était au minimum un argument au plus une fatalité ? Elle ne s’impose pas à nous, elle aurait dû être anticipée, programmée, atténuée. Le nombre de cotisants possible s’apprécie au regard de la pyramide des âges, les volumes de cotisations sont les conclusions de décisions budgétaires volontaristes. Encore une fois le débat qui existe n’est pas mathématique mais bien politique… et c’est à ça que sert la représentation par le vote.
Continuons sur le thème du traficotage. La Fonction Publique si décriée, s’externalise de plus en plus (c’est pour être concis et poli que j’emploi ce terme). Au nom d’une « efficacité budgétaire et d’une organisation administrative recentrée sur des missions essentielles » nos gouvernants ont trouvé lumineux de laisser des entreprises privées gérer le Système d’Immatriculation des Véhicules (SIV). Et visiblement c'est une thématique non sensible. Cette astucieuse nouvelle entité se retrouve dans un article du Monde relayé ici par le site Orange actualités sous le titre évocateur :
« Fraudes massives après la privatisation du système d'immatriculation des véhicules ».
« Début 2017, le SIV a été privatisé en partie afin de simplifier et d’informatiser le processus. Depuis, les professionnels de l’automobile peuvent éditer directement les informations dans le système avec pour seule condition d’y être habilités par la préfecture. Ainsi, cette privatisation a mis fin à la vérification préalable des autorités. Cette responsabilité est désormais entre les mains des tiers de confiance qui sont censés contrôler eux-mêmes la véracité des informations transmises par leurs clients. Mais ces « tiers de confiance » ne sont pas les seuls à pouvoir jouir d’habilitation préfectorale rapporte Le Monde dans son enquête. Des milliers d’individus ont créé leur micro-entreprise afin de décrocher cette autorisation préfectorale. Le problème : certains l’utilisent pour ensuite monnayer leur accès au SIV à des clients en tout genre. Écraser la carte grise du précédent propriétaire, mettre en règle l’assurance, obtention d’une nouvelle fiche d’authentification de son véhicule… Tout cela est désormais accessible pour des personnes n’ayant aucun lien avec le commerce automobile. »
Une plus-value collective visiblement rondement menée et dont j’ignore le coup financier qu'il convient d'ajouter au fiasco.
Atteindre l’inacceptable n’est, je l’espère, pas un objectif en soi. Pourtant un article de France Info du 03/12/2024 m’a fait froid dans le dos. Nous entendons régulièrement que ce sont toujours « les plus faibles » qui subissent les atermoiements des politiques. Nous ne savons pas concrètement ce que cela exprime ni même les conséquences réelles que cela engendre. Cette information montre l’horreur que cela peut avoir et notamment dans le cadre de la protection des enfants.
"En Gironde aujourd'hui, ce sont 350 placements qui ne sont pas exécutés, annonce Alrick Métral, avocat au barreau de Bordeaux. C’est-à-dire que les enfants restent au sein de la famille alors même que le juge des enfants a identifié une situation de danger". Des enfants à qui la justice a promis une protection et qui se voient abandonnés par la société. En Gironde, ces décisions de justice peinent à être appliquées dans des temps acceptables. "On est dans une situation alarmante, qui n'a jamais été aussi impactée pour des raisons budgétaires et pour des questions de choix", dénonce Samantha Gallay avocate de l'enfant et présidente du Centre de Recherche, d’Information et de Consultation sur les droits de l’enfant (CRIC).
Finissons sur une bonne nouvelle puisqu’au 1er Février le tarif réglementé de l'électricité doit baisser de 14%, pour certains particuliers (en fonction de votre fournisseur et de votre contrat), après une envolée des prix provoquée par la guerre en Ukraine indique France Info. Dans cet article du 29/12/24 Emmanuelle Wargon, nommée par décret Présidentiel, Présidente de la Commission de régulation de l’énergie depuis août 2022 pour un mandat de 6 ans non renouvelable, ancienne ministre entre 2018 et 2022, défaite aux législatives de Juin 2022, stipule :
« Le tarif réglementé s'ajuste maintenant avec retard » et souligne que la baisse attendue de 14% du tarif réglementé "est un calcul, pas un choix".
Et pourtant, vous comme moi avons entendu nos représentants s'octroyer la paternité de cette mesure, qui, visiblement, n'en est pas une. Issue d'un calcul imposé, la démarche, volontairement retardée après les mois les plus froids est glaçante de cynisme. L'accès à l'essentiel est désormais considéré comme une variable d'ajustement comptable. Alors ingrats consommateurs du rudimentaire on ne dit pas merci?
Voilà clairement pourquoi nous nous battons chaque jour et ce contre quoi nous luttons:
Les conséquences désastreuses des choix politiques et leurs répercussions dramatiques, immédiates et à venir, sur le quotidien, le réel de chacune et chacun d'entre nous. Voici en quelques exemples le monde qui nous est promis et nous le refusons pour nous-mêmes, nos proches, nos collègues et celles et ceux qui ont besoin d'une puissance publique généreuse, protectrice, juste et attentive.
Ces quelques exemples révélateurs et éclairants nous rappellent également le besoin fondamental d’une information claire, étayée, objective, accessible et complète pour nous sortir de la superficialité.
Première revue de presque... la dernière ?
« L’écume est la plus parfaite des nageuses » Malcolm de Chazal.
27/01/2025, Stéphane MOULINIER, Secrétaire du GD33 Services Publics.
Liens articles:


Belles paroles
C’est le traditionnel moment des bonnes résolutions. Ce que 2025 va nous réserver, seul 2025 le sait. Pour autant, ce dont je suis certain, c’est que l’engagement des femmes et des hommes qui font Force Ouvrière ne s’estompera pas. Il restera intact et authentique, porté par notre passé commun. Ce passé de luttes et de revendications qui ont encore aujourd’hui le sens de l’Histoire. Sans cet acharnement et de manière non exhaustive, pas de congés payés ou peu pour rester suffisamment productifs, pas de Sécurité Sociale, ni de droit à la retraite. Rien n’est offert, tout se gagne car là où il n’existe pas de syndicat il n’y a bien souvent rien au-delà du minimum garanti. (En ce qui concerne le maintien de salaire des « territoriaux » je vous renvoie à l’édito précédent pour vérifier les positions et les engagements concrets de FO GD33).
La loi de 2019 dite de « Transformation de la Fonction Publique » a tenté de balayer d’un revers de main les acquis locaux obtenus notamment en termes de temps de travail et de primes. Cela nous amène à considérer la fragilité de ce que nous croyons tous et toutes être des acquis et à constater la tendance régulière des gouvernants à la suppression de tout ce qui est au-dessus du minimum légal, petit bout par petit bout, sournoisement ou frontalement puisque dorénavant ils osent tout.
Cela passe principalement par l’implantation de la novlangue dans les esprits, et par instants, nous pouvons même constater l’assentiment de collègues qui affirment que le voisin est trop malade, moins méritant. « Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde » disait Wittgenstein. Et c’est bien ça le problème avec l'utilisation régulière de l’absurde par le biais de mots positifs et à définition creuses, nous pouvons être prisonniers de l’aberrant. A avaler des décisions qui sont contées comme évidentes nous subissons des propositions incohérentes, bien qu'apparemment argumentées, et nous nous trouvons sujets de paradoxes à la Buridan.
N’oublions jamais que la politique est une affaire de choix. Lorsque des dirigeants veulent définir et résoudre une problématique via un non choix (en affirmant haut et fort qu’il n’y a pas le choix) alors ils font la preuve de leur propre inutilité. Lorsque le cas de figure se présente (et il se présente malheureusement souvent) ne les voyons pas comme moteurs d’un projet inéluctable mais comme les auteurs d’une manipulation hypocrite et perfide. Toute référence subliminale à la réforme des retraites, par exemple, n’est pas fortuite.
Les arbres ont le cœur infiniment plus tendre que celui des hommes qui les ont plantés*1, les belles images comme aphorismes et les bons mots polysémiques, répétés inlassablement dans les informations en continu, n’ont pas pour objectif d’améliorer le quotidien. Ils nous mettent en accusation et même en opposition, réfutent la controverse et finalement tentent de nous faire perdre la bataille de la dialectique et du réel. Exemple parmi tant d’autres, « l’absentéisme ». Il y a des absences et il est important d’en discuter, en aucun cas de l’absentéisme. Les mots sont utilisés à dessein et si le chemin tracé nous apparaît comme étroit c’est pour en dessiner des contours confinés qui mènent à l’impasse pour le plus grand nombre.
Sommes-nous donc condamnés à être seulement les instruments organisationnels des jeux du cirque pour des rois sans divertissement ?
L’indifférence, elle te tue à petits coups*2. Refusons le fatalisme et l’avenir qu’on nous impose. Il n’est pas uniquement question de mourir pour des idées, l’idée est excellente*3 mais de faire face, de tenir bon, debout, droit, libre et fier(e). Soyons acteurs et actrices de notre présent pour en faire un futur positif et bienveillant.
C’est bien tout l’enjeu du syndicalisme : se regrouper pour être cette force.
Il est temps de devenir partie prenante pour les autres et même, pourquoi pas, un peu pour soi. Le temps qui passe ne se rattrape guère, le temps perdu ne se rattrape plus*4 mais le présent doit devenir le temps de l’action. La nostalgie d’un passé idéalisé nie toutes les luttes qui ont fait avancer la Justice. Et si certains rêvaient d’une banque dans une publicité ancienne, personnellement, je rêve de pouvoir vous transmettre cet élan historique, constant, constructif et réaliste qui fait mon engagement et celui de toutes et tous les engagé(e)s à Force Ouvrière… J’ai crevé l’oreiller… j’ai dû rêver trop fort*5.
Chères et chers collègues, nous vous aidons dans vos difficultés quotidiennes mais nous ne pouvons nous résoudre à être uniquement curatifs, il nous faut anticiper collectivement. C’est tout le principe de notre engagement et j’espère bientôt le vôtre. Parce que s'impliquer c'est combattre ce qu’on nous impose, s’engager c’est refuser des désirs qui nous affligent*6 et résister c’est récuser l’idée de suivre l’écho de la même voix qui rabâche sur la même chaîne d’info*7.
Le Groupement Départemental des Services Publics de Gironde c’est avant tout un collectif, une entité hétérogène mais cohérente et organisée, un partage de connaissances, un réseau bienveillant et ce support numérique a pour ambition d'en être le symbole.
J’aurais pu dresser ici un tableau bien plus négatif et plus conforme à l’air du temps médiatique et politique, empreint de catastrophisme, essentialiste et étriqué mais que voulez-vous je vois des anges depuis que Satan me tape sur les nerfs*8.
Nous ne baisserons jamais ni les bras ni la garde.
« On ne construit rien sur des regrets par contre on bâtit sur des résolutions » écrivait Anne Bernard. C’est le moment idéal de passer des belles paroles aux beaux actes. Et si on avançait ensemble ?
Merci à Renaud*1, Gilbert Bécaud*2, Georges Brassens*3, Barbara*4, Alain Bashung*5, Alain Souchon*6, Francis Cabrel*7 et Kyo *8 d’avoir bien involontairement participé à créer, égayer et étayer mon propos au travers de leurs interprétations.
Stéphane Moulinier, secrétaire général du GD33 Services Publics- Janvier 2025-


Ironie tu sors!
Censurer ou ne pas censurer, telle est la question.
Au delà du cirque politico médiatique, la question posée à Hamlet s'impose également aux gouvernants. Comment traiter efficacement la situation tragique qu'ils dépeignent? A grands coups d'interventions alarmistes, le possible renversement du gouvernement augure, d'après les sommités politiques intervenant sur les plateaux TV et radio, des calamités inédites, dignes des plaies d'Egypte.
La trêve des agneaux olympiques étant terminée il est temps de constater que le flou est artistique. Si le contexte est si grave comment est-il possible que tant de compétences n'aient pu nous prémunir de la réalité?
Visiblement vous et moi sommes responsables du malheur financier du pays. Nous tombons malades au travail, surconsommons des médicaments couteux. Il est même nécessaire que nos gouvernants nous éduquent aux bonnes pratiques énergétiques, budgétaires et écologiques (le fameux "je baisse, j'éteins, je décale"). Avoir 5 ans toute sa vie c'est difficile!
Comble de l'ingratitude, nous ne voulons pas travailler un jour gratuitement pour prendre soin de nos ainés. Pourtant, au regard de ce que la vignette automobile et aujourd'hui le jour de solidarité ont apporté à nos anciens, nous devrions être rassurés sur le bien fondé de cette mesure décidée avec sagesse rue de Vaugirard, Paris VIème.
J'avais la naïveté de croire que le gel du point d'indice, la perte des avantages locaux acquis dans les collectivités ou encore l'absence de carrière devenue une norme donnaient aux fonctionnaires territoriaux un satisfecit national (sans applaudissement au balcon) sur le redressement du pays.
A force de sacrifier l'essentiel à l'urgence on finit par oublier l'urgence de l'essentiel. (E. MORIN)
A l'international, le gouvernement Trump s'organise. Les effluves de Musk (Elon) ont traversé l'Atlantique et ont égaillé le ministre de la Fonction Publique. Euphorique, il ne pu s'empêcher de tweeter son impatience à, je cite, "partager les meilleures pratiques". Pour rappel, le propriétaire de Tesla, au discours masculiniste et complotiste, ayant licencié 80% des salariés de Twitter en 2022 par e-mail, espère recruter à titre bénévole des collaborateurs, pour 80 heures de travail par semaine dans son futur ministère. On a les idoles que l'on mérite. Dont acte.
Contrairement à ce qui pourrait laisser penser nous ne sommes pas le voyageur sans bagage. Nous nous rappelons parfaitement de qui fait quoi et nous ne perdons pas de vue que le gestionnaire désigné est responsable de la bonne gestion. C'est un des principes de la démocratie.
A ce propos, l'accord cadre national sur la Protection Sociale Complémentaire garantit à tous les fonctionnaires, les stagiaires et les contractuels, une participation minimale de votre employeur à la hauteur de 50% du montant du contrat pour la garantie "maintien de salaire". Toutes les organisations représentant les élus locaux sont signataires de cet accord. Il n'existe donc aucune restriction juridique, aucun sine qua non moral pour appliquer ce cadre. Les syndicalistes Force Ouvrière se sont évertué(e)s à le faire reconnaître partout où nous sommes en capacité de le faire. Pour preuve, nous sommes les seuls au CST du CDG33 à avoir voté favorablement lorsque l'accord était respecté et à l'inverse, sanctionner le mépris fait aux travailleurs et travailleuses du Service Public lorsque le déni de démocratie s'appliquait. Vous pouvez le vérifier en demandant les comptes rendus des avis à votre employeur ou peut être avez vous été destinataire, destinatrice, de nos courriers envoyés dans vos mairies. Vous pourrez donc constater dans votre bulletin de salaire de Janvier 2025 à combien votre employeur estime votre protection du quotidien et le respect qu'il porte à ses propres représentants.
La démocratie c'est des élections certes, mais c'est aussi de l'estime pour les autres, de la décence et de la considération.
Être ou ne pas être...
Stéphane MOULINIER, Secrétaire Général du GD33 Services Publics, décembre 2024.
Hubris budget/hubris style
Lorsqu'il n'y a pas d'envie il n'y a pas d'espoir.
Le gouvernement Barnier dévoile ses axes d'actions depuis la semaine dernière. L'effet Maire (le) après 7 ans d'activité nous plonge dans la démagogie la plus totale. Les fonctionnaires, les retraités, les riches, les pauvres, les malades, tout y passe.
Chacun d'entre nous est responsable de l'augmentation de la dette mais pas les décisionnaires-démissionnaires.
C'est le soi-disant "bon sens" qui prend désormais le dessus comme si la politique n'était pas une affaire de choix qu'il faut tout de même assumer lorsque la bise fût venue.
La démocratie c'est l'art de la représentation.
Nous élisons des "capables" pour organiser la Politique , les finances, la sécurité, penser l'avenir et le garantir de la meilleure des façons avec un seul préalable requis :plus de Liberté, d'Égalité et de Fraternité. C'est la mission première de nos élu(e)s qui agissent pour et par la volonté du peuple.
Les chiffres valsent, même l'État de droit n'est plus intangible. Les grandes théories reviennent comme une nouvelle saison d'une mauvaise série déjà vue, écrite par les mêmes scénaristes en panne d'inspiration, coordonnée par le même réalisateur et avec quelques acteurs différents en guise de nouveauté.
Preuve de ces manipulations honteuses, les charges ont désormais remplacé les cotisations. L'effet immédiat est, par exemple, le renvoi aux mutuelles (organismes assurantiels individuels privés) d'une part grandissante du remboursement des consultations et actes médicaux essentiels à la bonne santé. C'est bien l'assuré (vous et moi) qui va, au final, payer la facture et enrichir ces grands groupes .
S'il fallait le rappeler, les cotisations permettent à tous et toutes de bénéficier de prestations en fonction des besoins de chacun et cela tout au long de sa vie comme pour la maternité, les soins, la retraite...
Si les augmentations de salaires se font uniquement par un transfert cotisations (charges)/ salaires c'est bel et bien la même personne qui paie son augmentation de salaire. En échange de cette petite plus value court-termiste, nous perdons un pourcentage de prise en charge et voyons, dans mon exemple, notre cotisation mutuelle augmentée au nom de cette bascule totalement fallacieuse. Le calcul doit se faire avec ses éléments globaux et il est certain que dans cette affaire celui qui y gagne vraiment n'est pas forcément celui qui le croit. En plus, cela prive la Sécurité Sociale de recettes et permet à celles et ceux qui organisent ce déficit de s'en offusquer...Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage.
La situation financière du pays (qui est un sujet plus complexe que le pourcentage de déficit annuel qui sert à angoisser les non initiés) est le fruit de choix hasardeux, totalement orientés vers une politique qui crée de la croissance sous perfusion et qui trouve aujourd'hui ses propres limites.
Petit aparté, un déficit est autorisé pour les États (dont ceux de l'Union européenne) puisqu'un pays n'est pas une entreprise et son bilan n'a pas à être positif vu qu'il a en charge des activités particulières mais indispensables. Il mutualise les coûts et s'assure de l'exécution des missions et non de sa rentabilité. Le citoyen consent à l'impôt en contrepartie. C'est pour cela que nous avons des écoles publiques, des routes entretenues, des aides à domicile, des cantines scolaires, des médiathèques... Convenons qu'être en déficit est une norme pour un État bienveillant.
A aucun moment les salarié(e)s de ce pays ne sont responsables de la situation que nos "élites" déclament avec des emphases culpabilisantes. Au passage, j'aime à rappeler que les fonctionnaires (et notamment les territoriaux mais aussi les contractuels de la Fonction Publique Territoriale que nous défendons) sont eux aussi des travailleurs. Il faut que le travail paye disent-ils. Chiche! Même pour nous alors!
Les "Mozart de la finance" ont mis le pays sous contraintes de ceux qu'ils ont favorisés. Et tout ce petit monde s'active maintenant pour désigner d'autres coupables. Trop facile.
Le Groupement Départemental 33 Force Ouvrière Services Publics reste sur sa ligne à savoir que les services publics demeurent le rempart à une précarité grandissante, y compris en son sein, fruit de politiques discriminantes et injustes. Vivre de son travail dignement, avoir une carrière en continue conforme à l'engagement initial de tout fonctionnaire, ne pas assécher volontairement les comptes de la caisse de retraite CNRACL pour justifier un déséquilibre organisé sont des revendications justes et réalistes que nous portons.
Ensemble faisons bloc pour exiger cette respectabilité. Sans outrance, sans démagogie, avec lucidité sur le monde dans lequel nous vivons mais avec cette exigence du bien-fondé. Le travail des fonctionnaires et agents publics méritent cette légitime considération et nous pourrons continuer de la porter plus fortement encore si nous sommes plus nombreux et rassemblés.
Ce site atteste de cette cohérence et cette constance, on le dit et le répète, la territoriale c'est vital!
Stéphane Moulinier, Secrétaire Général GD33 Services Publics, oct.2024




Les malades et l'imaginaire.
Gabriel ATTAL avait demandé en février une mission sur les dépenses des arrêts des fonctionnaires. Des mesures spécifiques sont envisagées en vue de faire des économies.*
Sur la période 2014-2019 les absences pour raison de santé sont restés stables et à niveau similaire au secteur privé, autour de 8 jours. A partir de 2020, l'inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) notent une recrudescence et notamment en 2022 où le décrochage entre public et privé est le plus notable avec 14.5 jours contre 11.7.
Au regard de ces données chiffrées la première réflexion sérieuse qui saute au yeux est de constater que la hausse des prescriptions des arrêts maladies par les médecins est significative pour l'ensemble des travailleurs. La deuxième est de s'interroger sur le pourquoi de cette hausse après 2020.
Pour la Fonction Publique, les conditions matérielles dans les collectivités, les hôpitaux, les commissariats, les casernes, les Ephad, les établissements scolaires...suffisent à étayer un réel épuisement. Les Services Publics sont très sollicités depuis la période Covid avec des effectifs réduits et des difficultés de recrutement.
L'hypocrisie de la démarche gouvernementale est double d'ailleurs. En effet, l'État, "responsable" de la majorité des agents publics et fonctionnaires limite les moyens, affaiblit la sphère publique et ensuite stigmatise ses propres agents en les donnant en pâture à la vindicte populaire. Deuxièmement, comment donner de la crédibilité à une démarche comptable et budgétaire de ces mêmes décideurs qui depuis 7 ans prônent des politiques de cadeaux fiscaux qui assèchent volontairement les finances publiques.
Tout ceci est bien trop gros et mal ficelé pour être vraisemblable. Chercher à comparer les travailleurs, à mobiliser la haine de l'autre en le rendant responsable de je ne sais quel malheur, diviser la population en créant les conditions du doute ne sont pas dignes en République.
Notre leitmotiv au Groupement Départemental 33 des Services Publics Force Ouvrière reste le même et ces attitudes les renforcent. Nous soutenons l'ensemble des agents qui agit chaque jour pour le bien commun. Peu importe nos métiers, nos tâches, nos positions hiérarchiques nous sommes les indispensables du quotidien en terme de Liberté, d'Égalité, de Fraternité et tomber malade n'est ni un luxe ni un objectif.
Stéphane Moulinier, secrétaire du GD33 Services Publics, 09/2024
* source BFM Business
Mais 2024
Le 14 Février 2024, le Premier Ministre, Gabriel Attal, s'exprimait devant les médias* au sujet de la grève qui s'annonçait à la SNCF pendant les vacances scolaires.
Il opposait l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme où "Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage" au Préambule de la Constitution de 1946, alinéa 5, affirmant que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».
Sur la forme, le Premier Ministre en utilisant l'antithèse, savait parfaitement que sa phrase qui suivait son "mais" prédominerait sur tout le reste. Il usait donc d'un procédé communicationnel biaisé et orienté pour tenter de discréditer le mouvement social.
Sur le fond, il omettait totalement de dire que ce mouvement est justifié par le fait que les avancées actées en 2022 via le dialogue social n'ont pas été tenues en intégralité par la direction de la SNCF . Les engagements étant partiels il s'agit donc de mettre les décideurs devant leur incurie et d'obtenir ce qui était convenu.
Mais au-delà de cette situation qui concerne la SNCF, c'est ce refrain continu envers le monde du travail et la défense de ses intérêts qui m'inquiète.
Le Premier Ministre semble régulièrement oublier (volontairement je pense) que le dialogue social est le seul rempart contre les mouvements sociaux d'ampleur. Il doit penser que convaincre des femmes et des hommes de cesser le travail alors qu'ils sont touchés de plein fouet par les difficultés grandissantes que ce soit pour se nourrir, se chauffer, assurer une éducation de qualité et un avenir digne à leurs enfants ou encore s'équiper de manière constante avec des appareils technologiques capables de répondre aux normes bancaires et institutionnelles changeantes, est chose aisée. Si ces salariés, ces agents publics, ces fonctionnaires se retrouvent à stopper leurs activités professionnelles (et donc à ne pas être rémunérés) c'est parce que les conditions d'exercices et de rémunération ne sont plus tolérables.
La grève n'est un plaisir pour personne Monsieur le Premier Ministre. C'est devenu le seul moyen de remettre au cœur du quotidien des thématiques vitales qui ne sont pas ou plus abordées par les décideurs. Et c'est bel et bien un droit constitutionnel sans condition donc sans votre "mais" ni aucun autre.
Madame Bérénice Bauduin, Maître de conférences en droit social, dans un entretien au journal "le Monde" le 15 février 2024 s'exprimait ainsi sur les déclarations du Premier Ministre:
"Il y a donc quelque chose d’assez hypocrite à utiliser, comme s’ils avaient la même valeur, le droit de grève, protégé en tant que tel par des décisions du Conseil constitutionnel, et le devoir de travailler qui, juridiquement, est inexistant."
Cette manière de procéder est simplement scandaleuse. Opposer les travailleurs est indigne, délégitimer le droit de grève est dangereux.
Kierkegaard avait démontré en ces termes qu'il y avait deux façons de se tromper: "l'une est de croire ce qui n'est pas, l'autre de refuser de croire ce qui est". En une seule intervention d'une vingtaine de secondes Monsieur le Premier Ministre vient de rendre obsolète la pensée du théologien danois nous donnant la preuve que les deux conditions peuvent se côtoyer.
Le secrétaire du GD Services Publics 33
*déclaration du Premier Ministre:
"les français sont attachés au droit de grève...mais je crois qu'ils savent aussi que travailler est un devoir"

Soyez unis vous serez invincibles (Victor Hugo).
En France, le terme de Fonction Publique regroupe trois versants composés de fonctionnaires et d'agents publics. La Fonction Publique d'Etat (Fpe) et ses 2,5 millions de personnes, la Fonction Publique Hospitalière (Fph) qui emploie 1,2 million d'individus et la Fonction Publique Territoriale (Fpt) et ses 1,9 million d'agents.
L'une des spécificités de la Fpt est qu'elle regroupe une multitude d'employeurs indépendants et divers. Pour autant elle se doit d'assurer des compétences dites décentralisées c'est-à-dire au nom de l'Etat.
Au fur et à mesure du temps, des besoins se sont ajoutés aux compétences. En matière d'accompagnement social, d'enseignement, de protections multiples liées à la réalité de terrain ou à l'imaginaire collectif, la Fpt ne cesse de s’adapter.
Ce volet de la sphère publique est partiellement géré par l'État sur le plan des rémunérations par le spectre du point d'indice et des grilles indiciaires mais aussi par la volonté locale pour ce qui concerne les compléments de rémunération via le régime indemnitaire et autres primes. Il en est de même pour l'évolution de carrière, domaine exclusif de l'employeur qui applique ses propres critères subjectifs à ceux statutaires.
Nous avons pu constater que durant la crise COVID l'État avait récompensé pécuniairement ses fonctionnaires méritants de la Fph tout comme il estimait nécessaire de répondre à la crise inflationniste par des mesures générales et conjoncturelles via la prime pouvoir d'achat de manière généralisée dans la Fpe et la Fph.
La Fpt, au nom de la libre administration, n'a pas eu droit à ces gratifications automatiques puisqu’il fallait l'aval des employeurs locaux (voir notre article intitulé Tous égaux? Vraiment?).
Cette absence générale de reconnaissance financière et ce traitement inégalitaire démontrent que nous avons, plus que jamais, besoin de nous réunir pour former un bloc soudé, organisé, capable de négocier pour l'ensemble des agents territoriaux.
Certains pourraient estimer que leurs spécificités leur octroie un traitement différencié. Il s'agit ici d'une erreur monumentale tant les faits, comme la conjoncture, prouvent que la division est néfaste à l'ensemble et par voie de conséquence au particulier.
La Fpt est diverse, hétérogène et c'est ce qui fait sa force. Elle reste vitale pour une population de plus en plus précarisée qui a besoin de cette multitude d’expertises et de services.
Nos atouts sont justement dans notre forme hétéroclite. Mettre en avant tel ou tel métier c'est oublier qui nous sommes : cet ensemble qui forme une cohérence, une réactivité, une proximité, bref une utilité au quotidien et à destination de l’entièreté des habitants.
Restons unis pour ne pas subir avec Force Ouvrière et adhérons à un projet commun, celui de la reconnaissance de la Fonction Publique Territoriale dans son ensemble
Le secrétaire du GD33 Services Publics.


Paradoxal Système
L'augmentation des factures d'électricité est un fait. Chacun et chacune constate cette triste réalité. Pour comprendre ce qui se passe, loin des idées reçues et des messages faciles, il faut appréhender les dispositifs qui ont fait d'EDF un opérateur différent.
Je vous propose, par cet édito, d'explorer et vulgariser cet univers complexe dans le but d'être avisé des réalités et non soumis à ce que nous entendons et qui peut être erroné ou partial.
En France, le marché de l’électricité et du gaz est ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007 pour les particuliers conformément aux directives 2009/72/CE et 2009/73/CE du 13 juillet 2009 en vigueur , concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et du gaz naturel.
Sur son site internet le médiateur national de l'énergie indique "ces directives ont pour objectif de construire un « marché intérieur de l’énergie » à l’échelle de l’Union européenne. Cela consiste à passer de plusieurs marchés nationaux fonctionnant indépendamment les uns des autres à un seul marché européen intégré.
La loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l'Électricité) est la transposition française des directives européennes. Elle met donc fin au monopole d'EDF pour ouvrir dans une concurrence libre et non faussée, objectifs récurrents de l'UE, le marché de l'énergie en France. Ce texte prend acte que l'opérateur historique possède un avantage déloyal sur les futurs concurrents puisque le parc de production d'EDF est basé sur une production nucléaire, permettant une électricité bon marché par rapport aux autres entreprises. La loi Nome a instauré le dispositif de l'Arenh (Accès Régulé à l'Electricité Nucléaire Historique), qui oblige EDF à vendre, à prix coûtant, à ses concurrents, un quart de sa production.
Sur le site d'EDF l'Arenh est défini ainsi: " EDF vend une partie de sa production, dans la limite de 100 TWh (térawatt-heure) par an, à répartir entre les différents fournisseurs. Ce qui correspond actuellement à environ 35 % de la production des centrales nucléaires françaises. Cette part a été vendue à un tarif réglementé de 40 €/MWh (mégawatt-heure), jusqu’au 1er janvier 2012. Passé cette date, le prix a été fixé à 42 €/MWh."
Pour donner du sens et un contrôle à ce nouveau marché, le 24 mars 2000, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) veille au bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz en France, au bénéfice des consommateurs et en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique. Cette information est importante car la CRE calcule un droit à l’Arenh au fournisseur, en se basant sur les prévisions de consommation et le portefeuille clients.
En contrepartie de ces tarifs bas, les opérateurs dits "alternatifs" se sont engagés à répercuter favorablement à leurs clients cet achat à bas coût.
Dans un article de France Info du 24/08/2022 François Joubert, directeur général de Ohm Energie, confirme bien une "augmentation de prix élevée, de l'ordre de 60%". Le patron de ce fournisseur d'électricité justifie cette hausse par des "conditions de marché" jamais vues depuis "trente ans", avec un prix du mégawattheure atteignant les "1 000 euros pour cet hiver" (dans son rapport la CRE déclare un prix du mégawattheure à 918 euros pour le premier trimestre 2023).
Les réalités géopolitiques (conflit Russo-Ukrainien) et de production française réduite de l'hiver dernier (avec des centrales fermées) ont servi d'arguments fallacieux aux "experts" médias pour justifier les hausses spectaculaires des tarifs de l'énergie. Il faut intégrer que les opérateurs arrivant sur le marché n'ont pas investi dans la production d'électricité, pourtant objectif de ces changements libéraux. Ils se sont contentés d'acheter à bas prix, de revendre avec une plus value (ce qui est l'ADN logique d'une entreprise privée) sans investir dans les capacités à soutenir les besoins qui, eux, augmentent avec le confort moderne et les choix politiques en matière de construction et de mobilités.
Cette sous capacité entraîne une explosion des prix selon les réalités de l'offre et de la demande.
Enfin, "l'augmentation du volume d'Arenh de 100 à 120 térawattheure, confirmée lors du vote de la loi pour le pouvoir d'achat en juillet 2022, va coûter très cher à EDF. Le fournisseur public doit désormais acheter, sur le marché, les 20 térawattheure supplémentaires demandés, à un prix de 257 euros le mégawattheure. Pour ensuite être obligé de les revendre à ses concurrents au tarif régulé de 46,20 euros. Pour couvrir ses pertes, EDF réclame à l'Etat une indemnisation s'élevant à 8,34 milliards d'euros, selon un communiqué publié le 9 août". (Article France Info22/08/2022)
Le système s'auto alimente en inflation et pénurie avec pour effet pervers que les subventions nourrissent indirectement les entreprises privées du secteur. Par conséquent, le contribuable et le consommateur paie au prix fort (au sens propre comme au figuré) ce paradoxal système aberrant et générateur de précarité pour beaucoup.
Un pôle public de l'énergie doit voir le jour, libéré du marché concurrentiel, pour faire que chacune et chacun puisse se chauffer, se déplacer et disposer de l'énergie nécessaire sans contrainte budgétaire inadmissible. Force Ouvrière constate et dénonce depuis longtemps cette volonté constante de détruire la sphère publique avec des politiques qui visent à faire en sorte que tout doit avoir une valeur marchande. Cette idéologie est néfaste à bien des égards puisqu'au final, et le prix de l'électricité en est un exemple révélateur, c'est bel et bien le consommateur, le salarié et le contribuable qui en paie les frais.
Stéphane MOULINIER
Secrétaire du Groupement Départemental Services Publics 33